Le suicide est un phénomène qui se produit à travers le monde entier. L’Organisation mondiale de la Santé (2021) révèle qu’environ 703 000 personnes décèdent par suicide chaque année. Ainsi, une personne mettrait fin à ses jours toutes les 40 secondes (OMS, 2019). De plus, le suicide ferait davantage de morts à travers le monde que la guerre, les homicides ou même certaines maladies (malaria, VIH/SIDA, cancer du sein, etc.) (OMS, 2021). Malgré ces chiffres pour le moins étonnant par leur ampleur, il y aurait tout de même une sous-estimation du nombre de suicides à l’échelle mondiale, en raison de la complexité d’application de procédures homogènes pour l’enregistrement des données (OMS, 2014).
Les taux de suicides semblent inégalement répartis entre les différents pays du monde et leur région. Entre le début des années 2000 et 2019, les taux de suicide ont diminué de 36 % à l’échelle mondiale, à l’exception des Amériques où leur taux a augmenté de 17 %. Ainsi, certaines régions de l’Afrique, de l’Europe, de l’Amérique du Nord, de l’Asie et de l’Océanie présentent des taux de suicides supérieurs à la moyenne mondiale (OMS, 2021).
La problématique du suicide serait influencée par différents contextes de type politique, économique, culturel, religieux, social et, surtout, individuel. Certains pays banalisent le suicide, d’autres le valorisent, l’acceptent ou encore, l’interdisent (allant d’une amende à l’emprisonnement à vie) (OMS, 2014). Ainsi, le passage à l’acte serait aussi influencé par certaines normes culturelles et conventions sociales du pays ou de la région en question. Par exemple, au Japon, le shinjû désigne un double suicide par amour. En Nouvelle-Guinée, certains passent à l’acte dans le but d’expier une faute ou à titre vindicatif. En Chine, certaines femmes s’enlèvent la vie pour éviter de perdre la face en raison de nombreuses contraintes familiales et sociales (Souty, 2006).
Il existe tout de même quelques facteurs de risques universels qui peuvent augmenter la vulnérabilité d’une personne ayant des idées ou des comportements suicidaires (OMS, 2014). En voici quelques-uns :
- Tentative de suicide antérieure
- Troubles mentaux
- Consommation abusive
- Perte d’emploi ou difficultés financières
- Douleur et maladies chroniques
- Antécédents familiaux de suicide
- Isolement, manque de soutien, relations conflictuelles, perte significative
- Stigmatisation, difficultés d’accès ou obstacles à recevoir de l’aide • Catastrophes naturelles, guerres et conflits
- Acculturation et difficultés liées au déplacement (immigrant, réfugié, etc.)
- Discrimination
- Traumatisme et abus
- Accès à un moyen pour s’enlever la vie
- Couverture médiatique inadéquate
De plus, les pays à revenu élevé (P.ex. Canada, Allemagne, Australie, France, Japon, États-Unis, Russie, Chili, Lituanie, etc.), semblent avoir des taux de suicide davantage élevés que les pays présentant des revenus faibles ou intermédiaires (P.ex. Congo, Nigéria, Argentine, Mexique, Inde, Thaïlande, Turquie, Égypte, Tunisie, Philippines, etc.). Dans les pays à hauts revenus, trois fois plus d’hommes s’enlèveraient la vie que de femmes. À l’inverse, dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires, il existerait peu d’écart entre les sexes (OMS, 2019).
Par exemple, voici le portrait du Canada en 2019, considéré comme un pays à revenus élevés. Ainsi, le pays cumule 4 417 suicides pour l’année visée, soit une moyenne d’environ 11 suicides par jour. De plus, 11,8% de la population canadienne soutient avoir eu des idées suicidaires au courant de leur vie. Il semblerait que les Canadiens font trois fois plus de tentatives de suicides que les personnes immigrées au pays. Les normes culturelles associées au pays d’origine agiraient ainsi comme facteurs de protection (Gouvernement du Canada, 2020). Au sein même du Canada, il existerait des disparités dans les taux de suicides des différentes provinces.
Au Québec, par exemple, la situation au niveau du suicide semble stable depuis quelques années. Cependant, les différentes régions présentent elles aussi des portraits inégaux. La région métropolitaine semble avoir des taux moins élevés de suicides comparativement aux régions dites plus éloignées, comme l’Abitibi-Témiscamingue et Chaudières-Appalaches (Levesque, et Perron, 2023). St-Laurent et Bouchard (2004) soulèvent deux hypothèses explicatives à ce sujet. D’abord, la région métropolitaine accueillerait une plus grande population immigrante agissant en concordance avec les facteurs culturels de leur pays d’origine (religion, convictions, valeurs, etc.). Ensuite, les services de santé et sociaux seraient davantage accessibles, diversifiés et multipliés en région métropolitaine comparativement aux régions éloignées où les ressources sont plus restreintes.
Ainsi, l’Abitibi-Témiscamingue reste une des régions québécoises ayant le plus haut taux de suicide dans la province (derrière le Nord-du-Québec et le Nunavik). En 2021, la région recensait 22 suicides, soit 14.6 par 100 000 habitants alors que le taux provincial est de 11,7 par 100 000 habitants (Levesque, et Perron, 2023). En 2014-2015, c’est plus de 3 600 Témiscabitibiens qui révèlent avoir eu des idées suicidaires. Environ 500 personnes de la région rapportent également avoir fait une tentative de suicide, dont une centaine suivie d’une hospitalisation (Beaulé, 2021).
Le suicide n’exempte aucune condition, origine, culture, nationalité, etc. C’est pourquoi l’Organisation mondiale de la Santé (2021) se donne l’objectif de mettre en place des mesures stratégiques et des orientations pour diminuer d’un tiers le taux de suicide mondiale, et ce, d’ici 2030.
Références
Beaulé, G. (2021). Portrait de santé de la population de l’Abitibi-Témiscamingue : édition 2021. Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue.
Gouvernement du Canada. (2020, 4 mars). Données sur le suicide au Canada (infographique).
Levesque, P. & Perron, P. A. (2023). Les comportements suicidaires : portrait 2023. Québec, Bureau d’information et d’études en santé des populations, Institut national de santé publique du Québec. 57 pages. Les comportements suicidaires au Québec : portrait 2023 (inspq.qc.ca)
Mishara, B. L. et Tousignant, M. (2004). Comprendre le suicide. Presses de l’Université de Montréal.
Souty, J. (2006, mars). Le suicide dans le monde. Sciences Humaines, (169).
St-Laurent, D. et Bouchard, C. (2004, mai). L’épidémiologie du suicide au Québec : que savons-nous de la situation récente? Institut national de santé publique du Québec.
Organisation mondiale de la Santé (OMS). (2014). Prévention du suicide : l’état d’urgence mondial. https://apps.who.int/iris/handle/10665/131801
Organisation mondiale de la Santé (OMS). (2019, 9 septembre). Suicide: toutes les 40 secondes, une personne met fin à ses jours.
Organisation mondiale de la Santé (OMS). (2021, 16 juin). Suicide worldwide in 2019: Global Health Estimates.